J’ai beau chercher dans ma mémoire jusqu’où elle me le permet, je ne me rappelle pas qu’un jour, la mer soit entrée dans ma vie. Elle a toujours été là, se manifestant plutôt comme l’essence même de ma constitution. Si je me souviens d’anecdotes de mon plus jeune âge, relatives à ce que certains nomment comme leur passion, moi je ne faisais que logiquement réaliser les pensées qui occupaient mon esprit .
Ainsi j’entrepris la construction de mon premier bateau qui allait me permettre de traverser l’atlantique dans mon jardin à l’âge de six ans, je réinventais le narguilé à 7 et le respirateur à circuit fermé à 8. Les années qui suivirent furent occupées à flirter avec les limites de l’apnée dans la baignoire familiale, à fabriquer mes premiers matériels de plongée, de la ceinture largable substituée dans la voiture de mon père et transformée pour la cause, au moule à plomb que je faisais fondre à l’abri des fessées de ma mère.
Tous ces efforts furent couronnés par mon baptême de plongée en scaphandre à 11 mètres pour mes onze ans. La première pierre de l’aventure de ma vie était alors solidement scellée, et heureusement, car l’édifice qui viendra se construire autour n’a jamais fini de grandir.
Toute ma vie sera donc employée et jalonnée par des activités maritimes au gré et au rythme d’une petite famille qui s’est constituée et m’a accompagné autour de chacun des projets et de leurs évolutions. C’est ainsi que l’équipe que nous formons aujourd’hui, bien que s’étant étoffée de deux petits marins supplémentaires est la même depuis plus de trente ans, et qu’elle est toujours le gage de la réussite de mes projets aussi bien que des victoires dans les traversées d’épreuves aussi difficiles qu’inattendues.
C’est ainsi, que, frappé en plein vol, et sans faire de jeux de mots, puisque c’est un accident de parapente qui est venu me priver de toute l’intégrité physique nécessaire à l’exercice de mon métier de moniteur de plongée sous-marine, un nouveau challenge est apparu sur mon chemin, celui de revenir dans le monde auquel j’appartiens, celui des palmipèdes.
Ma rééducation, finalement a continué de s’articuler autour du monde maritime, un peu plus en surface cette fois, voire en altitude, mais jamais bien loin de l’élément liquide. C’est dans un autre monde du silence que j’ai mené ce combat, qui même à l’air libre restera ma plus longue immersion.
C’est en Bretagne, sur ma terre natale, face à la mer d’Iroise que j’achève ma convalescence. J’ai choisi cette terre que l’on appelle « Finistère » (littéralement « fin de la terre »), car elle représente le point de départ des marins que la mer a rappelé. Elle me rappelle à nouveau, alors je ne vais pas lui résister plus longtemps, et même si je ne vous ai vraiment jamais quitté, l’heure est venue pour moi de vous retrouver.
A très bientôt, Yvan.